Titre VO : Valkyrie
Un film de Bryan Singer avec Tom Cruise , Bill Nighy , Kenneth Branagh , Tom Wilkinson , Eddie Izzard
Genre : thriller - Durée : 1h50 - Année de production : 2008
Date de sortie cinéma : 28 Janvier 2009
Distributeur :
Le «Complot du 20 juillet» est l'un des épisodes les plus héroïques mais aussi l'un des plus méconnus de la Seconde Guerre mondiale. Gravement blessé au combat, le colonel Claus von Stauffenberg revient d'Afrique et rejoint la Résistance allemande pour aider à mettre au point l'Opération Valkyrie, un plan complexe qui va permettre d'abattre Hitler et de mettre en place un gouvernement d'opposition. Mais le destin et les circonstances vont s'allier pour forcer Stauffenberg, qui n'était qu'un des nombreux conspirateurs, à jouer un rôle de premier plan dans la conspiration. Il va non seulement devoir diriger le coup d'Etat pour prendre le contrôle du gouvernement, mais c'est aussi lui qui sera chargé de tuer Hitler...
Une page d'histoire passionnante gâchée par un style convenu et commercialement formaté: tel est le sentiment mitigé qu'inspire le dernier film de Bryan Singer.
Il remet au goût du jour un épisode historique méconnu qui se solda certes par un échec, mais qui illustre le courage insensé dont firent preuve les inspirateurs du complot. Oui, de nombreux soldats Allemands souhaitaient la chute du régime nazi. Oui, ces hommes et ces femmes furent un peu les oubliés de nos livres d'Histoire. Le cinéma joue ici un rôle de média historique en donnant une vision nuancée de cette période sombre de la seconde guerre mondiale.Â
Pendant longtemps, les films traitant de la guerre 39-45 ont développé une vision très manichéenne de l'armée allemande face au monde. Ici on quitte le schéma habituel du SS totalitaire, violent et sans conscience face aux alliés héroïques et défenseurs de la liberté. La mise en place de la conspiration est l'occasion de découvrir les mensonges, les petites lâchetés, les jalousies liées au pouvoir, bref toute la division qui existait à l'intérieur même du camp allemand au sujet du führer. Derrière la dictature et les saluts militaires, il faut peu de choses pour que le dégoût remonte à la surface... Grâce au film, on perçoit combien la tyrannie de la peur s'exerçait autant envers l'ennemi qu'à l'intérieur de l'armée allemande.
Le cours de l'Histoire aurait pu en effet basculer si Hitler avait été éliminé ce jour-là puisqu'il détenait à lui seul tous les pouvoirs. Son empire s'appuyait sur une armée totalement obéissante mais aussi fragile car prête à se retourner contre lui. Une Allemagne à la fois bourreau et victime, capable de retourner sa veste à tout instant dès lors que le chef suprême disparaît.
Malheureusement Bryan Singer ne s'avère pas à la hauteur d'un tel sujet. Il se focalise sur la seule idée du meurtre d'Hitler et de ses conséquences immédiates, accumulant erreurs et fautes de goût. La première de ces erreurs étant le choix d'avoir tourné en anglais un film qui parle d'une page cruciale de l'histoire de l'Allemagne et dont l'action se déroule au cœur de ce pays. Une adhésion à l'anglais d'autant plus difficile que le rôle principal est confié à Tom Cruise, icône même de la star américaine hollywoodienne.
Deuxième faute de style, l'arrière-plan historique qui n'est absolument pas traité. Comment approcher Hitler et le tuer ? C'est le suspens lié à cette recherche qui intéresse le plus le réalisateur. Certes les scènes de rencontre avec Hitler attirent la curiosité et exercent une certaine fascination. Cependant Walkyrie évoque très peu le contexte de l'époque, le conflit, les racines du coup d'état manqué, le camp des opposants au complot. Les personnages sont caricaturés, l'intrigue simplifiée. Sur le plan historique, le film souffre d'un manque de détails et de réalisme historique qui nuisent à sa crédibilité.
Ajoutons à ces défauts majeurs une musique et une mise en scène grandiloquentes et l'on obtient un film complaisant, définitivement guidé par des instincts commerciaux… Pour le réalisateur qui semble plus doué avec la science fiction ou le polar, c'est un coup d'épée dans l'eau. Il y a peu de chance en effet que ce Walkyrie s'installe au top 5O des films historiques.
Pierre Vaccaro
Le cinéma, en mettant en lumière et en images des faits historiques, parvient souvent à semer la confusion chez les spectateurs qui prennent tout pour argent comptant, ou alors reproche au film un manque d'authenticité, des raccourcis indélicats, des zones d'ombre discutables, etc. Mais le cinéma, comme l'art en général, n'a pas vocation à l'historicité. Réalisme ne signifie pas forcément vérité, d'autant que s'il y a un art du mensonge, il s'agit bien du cinéma. Walkyrie, pour l'exemple, retrace un épisode méconnu de l'histoire de l'Allemagne nazie, une des multiples tentatives d'assassinat du Führer venue de son propre camp. Bryan Singer, dont l'intérêt pour le nazisme coule dans toute sa filmographie, allait-il profiter de l'occasion pour attaquer frontalement l'Histoire ? Oui et non, et ce n'est pas faire l'autruche que de répondre ainsi.
Le réalisme, justement : en tournant en majeure partie en Allemagne, Singer prétend rendre justice à la véracité de son histoire, lui donner une authenticité d'autant plus importante qu'elle se trouve a priori compromise par des têtes d'affiche anglophones clairement identifiables. D'autre part, le réalisateur manipulateur d'Usual suspects s'affranchit d'effets tape-à -l'oeil pour tabler sur une mise en scène sobre mais efficace, simple mais prenante. A noter également l'absence rafraichissante d'effets spéciaux - du moins visibles - ; en outre, chaque explosion (2 ?), chaque coup de feu (10 ?), sont anti-spectaculaires afin de respecter la ligne directrice du film : le réalisme.
Mais pour reprendre la polémique qui a surgi du pays d'Angela Merkel, pourquoi donner le premier rôle à Tom Cruise et d'autres noms US, et prendre pour figurants de vrais allemands ? N'aurait-il pas été plus simple et plus sensé de rendre le film allemand, tourné rien qu'avec des allemands, en langue allemande ? La réponse est dans la question et décline les priorités commerciales de Walkyrie. Cela dit, le père des X-men n'en oublie pas pour autant le discours qu'on lui connaît bien, à savoir la lutte du bien contre le mal, le bien pouvant être mal et le mal s'avérer avoir du bon (ça va, on suit ?). Des nuances qui permettent de réhabiliter une nation trop souvent assujettie à cette période noire de son histoire.
Certains reprocheront au film de laisser de côté la conviction première de Stauffenberg à l'idéologie nazie, de laisser de côté aussi les répercutions de l'affaire au sommet de l'état. Walkyrie montre suffisamment à quel point le personnage est désireux de racheter le mal fait au monde (à l'honneur de l'Allemagne surtout), à quel point également Hitler est dépassé (vieillissant, croulant sous le poids de la folie et de la paranoïa), pour prendre en considération ces arguments. Singer a décidé de se restreindre à l'opération Walkyrie, il s'y tient, tout en essayant de délivrer ici ou là des indices permettant d'extérioser le récit (le passé, le futur, l'Europe,...). Et surtout, derrière le fait historique, il tisse encore une fois une métaphore, celle-là même au coeur des X-men.
Hors ces considérations, Walkyrie s'avère un très bon film à suspense, dans la mesure où, bien que connaissant l'échéance de l'opération, le spectateur croit dur comme fer à sa réussite. Tom Cruise s'y révèle excellent, comme souvent quand il est dirigé et au service d'un propos 'noble'. Le film ne dépasse malheureusement pas le statut de série B, au sens noble du terme. Bien foutu, le film manque de profondeur, d''épaisseur, qui aurait lui aurait permis d'être plus qu'un exercice de style.
Walkyrie, c'est un excellent film, mais mineur.
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