Titre VO : Une affaire d'Etat
Un film de Eric Valette avec André Dussollier , Thierry Frémont , Gérald Laroche , Serge Hazanavicius , Eric Savin
Genre : thriller - Durée : 1h39 - Année de production : 2008
Date de sortie cinéma : 25 Novembre 2009
Distributeur :
Un avion chargé d’armes explose au dessus du Golfe de Guinée. Une escort girl est assassinée dans un parking parisien. Plusieurs milliers de kilomètres séparent ces deux événements et pourtant… Nora Chayd, inspectrice aux méthodes musclées, enquête sur le meurtre et bouscule sa hiérarchie. Victor Bornand, Monsieur Afrique officieux du gouvernement, tente d’étouffer la crise politique déclenchée par l’explosion. Quitte à avoir recours à son bras armé Michel Fernandez, un ancien des services de renseignements. Nora s’approche dangereusement des sphères du pouvoir. Les meurtres et trahisons s’accumulent. Au nom de la raison d’Etat ?
Bonne nouvelle, le cinéma de genre semble de retour en France. Même si les tentatives de science-fiction et d’horreur à la française ont laissé une impression mitigée (pour rester poli), le thriller à la française, mélange de politique, d’espionnage et de polar, lui semble retrouver ses lettres de noblesse. Longtemps après les Boisset, Costa-Gavras et consorts des années 70, de jeunes cinéastes nourris à ce cinéma décomplexé, à la fois populaire et exigeant, sont décidés à relever le flambeau. Et une semaine après l’intéressant Rapt voilà que débarque une sombre affaire d’Etat révélée par le méconnu Eric Valette. Après trois films plutôt orientées science-fiction/horreur (dont les deux inédits tournés aux Etats-Unis, One Missed Call et Hybrid), il revient en France avec un thriller politique violent, noir et d’une constante efficacité.
Jamais – si ce n’est dans la scène d’introduction aux effets spéciaux complètement ratés – en voyant le film, on peut se douter que le film n’a coûté « que » 4M€. Un casting prestigieux (outre André Dussollier en homme de l’ombre du pouvoir, on retrouve Rachida Brakni en inspectrice déterminée et surtout le trop rare et toujours excellent Thierry Frémont en tueur à gages impassible mais assez malchanceux – sans parler des seconds rôles tous interprétés par des acteurs de premier plan), du rythme, des rebondissements, du suspense, une violence crue et réaliste, le spectateur n’a jamais le temps de s’ennuyer sans pour autant que le scénario ne joue la carte de la fausse sophistication et de l’esbroufe facile. Même si certains clichés peuvent paraitre assez éculés (notamment que tous les hommes de pouvoir fêtent leurs succès dans un bordel de luxe – le personnage de Mado fait clairement référence à la sulfureuse Madame Claude en activité dans les années…70 ! - en s’en mettant plein les narines sauf les énarques coincés), l’adaptation du roman de Dominique Manotti, Nos fantastiques années fric, n’en reste pas moins une assez fascinante et grinçante plongée au cœur du pouvoir politico-financier, un système corrompu où semble régner le cynisme, la mort et le sexe. Le film s’inscrit dans une actualité assez contemporaine, les nombreux scandales liés à la Françafrique étant encore dans les mémoires.
Autre atout du film, sa bande son très soignée entre composition originale de Noko qui donne à chaque personnage son univers sonore et reprise d’un air célèbre de Morricone qui donne à ce thriller des airs de western urbain et qui, surtout, fait le lien avec les glorieux ainés auxquels Une affaire d’Etat rend clairement hommage (I comme Icare, Espion, lève toi,…)
Maitrisé de bout en bout, haletant et sans temps mort, le film d’Eric Valette est une franche réussite. La belle affaire !
Emmanuel Pujol
NDLR : Parce qu’à Fan-de-cinéma, on est aussi malin que sur Allociné, voici « l’anecdote qui calmera tous le monde même tes amis les plus calés » : dans une scène, Victor Bornand (André Dussollier) a une entrevue avec le Président de la République. C’est l’acteur Philippe Magnan qui l’incarne… Et c’est ce même Philippe Magnan qui vient de jouer le rôle de … Mitterrand dans L’affaire Farewell ! Merci qui ?
Â
Statistique : selon l'ONU (septembre 2008), le marché international du trafic d'armes (donc la vente d'armes de façon illégale, le "marché gris") représente un montant juteux de 1.200 milliards de dollars à l'année. On peut lui trouver différentes motivations, comme le strict appât du gain ou la négociation de couloir... Mais on en revient au même : des industriels souvent cornaqués par des officines gouvernementales (à moins que ce ne soit l'inverse ?) aident un joli stock d'armes de poing, de fusils, de roquettes à traverser les frontières dans le plus grand secret.
Le sujet est passionnant, hautement politique. Récemment encore, un très bon ouvrage ("Journal intime d'un marchand de canons", de Philippe Vasset) en faisait la radiographie, sans clichés. Tout l'inverse de ce nouveau film signé Eric Valette.
Qu'il s'inspire d'un ouvrage publié et documenté n'y change rien : la "nouvelle vague" du polar français pioche dans les plus vieux pots. Amateurs de recettes éculées, réjouissez-vous, "Une affaire d'Etat" ne viendra pas perturber votre palais : les puissants y sont tous accros à l'héro et y fréquentent tous les call-girls, la jeune flic issue des banlieues est évidemment une téméraire brûle-tout aux dialogues pesants, l'homme de main a une bonne gueule de tueur russe caricaturale (Thierry Frémont, en roues libres), vous avez déjà entendu la moitié des répliques ailleurs ("Heat" dans l'appartement de Fernandez, "36 quai des orfèvres" à la BRI) et l'autre moitié ne tient pas debout (dans la chambre d'hôpital, affligeant...). C'est là qu'on se rend compte qu'un scénario n'est pas qu'un script : si les personnages sont fades, si les situations sont téléphonées, le meilleur postulat du monde n'y suffira pas. Et l'enfer scénaristique a de tous temps toujours été pavé de bonnes intentions...
Filmé avec peu de moyens sans que cela soit indigent, "Une affaire d'Etat" souffre avant tout de ce statut de téléfilm amélioré. De ce côté "rassurons la ménagère et simplifions à outrance". Sur un tel thème, il est aisé de donner de l'ampleur; Valette en a d'ailleurs la tentation au moins à deux reprises, en questionnant brièvement le mécanisme médiatique de la diffusion de ces informations et en relevant la couverture associatives de nombre de ces barbouzards (où on apprend que le personnage de Dussolier donne dans la bonne oeuvre et le microcrédit... Savoureux !). Le film, s'il avait décrypté la façon dont d'obscures magouilles peuvent donner lieu à un véritable scandale politique (et humain !), aurait largement rempli sa feuille de route. En l'état, ce film est avant tout un épisode de série façon "PJ", rythmé façon télé, ficelé façon télé, programmé pour les chaînes hertziennes. Pas de quoi en faire Une affaire d'Etat...
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