Un Heureux événement

Un heureux évènement, baby boom ou mamie blues ?

Voilà plus de trois ans maintenant que l’on attend le premier film du reste de sa stars. Qui ça ? Mais Rémy Bezançon, le réalisateur et scénariste du succès français surprise de l’été 2008 qui avait conquis critique et public (plus d’1 million de spectateurs). La pression était donc grande au moment d’accoucher de cet Heureux évènement…

Entre les atermoiements pour s’engager du héros de Ma vie en l’air et la saga familiale du Premier jour du reste de ta vie, le troisième film de Rémi Bezançon est un trait d’union évident entre ses deux précédents opus. Car Barbara, la thésarde en philosophie, et Nicolas, employé d’un vidéo-club, qui se sont dragués par jaquettes de DVD interposés (amusante séquence qui risque de donner des idées à plus d’un timide !) ont décidé, sur un coup de tête, un coup de folie, de franchir une étape dans leur relation passionnelle et exclusive : faire un enfant ! Et entre le fantasme d’une grossesse idéale et la réalité bien plus prosaïque et moins glamour, il y a un gouffre auquel ces jeunes parents bien insouciants n’étaient visiblement pas préparés.

L’envie de s’enthousiasmer devant Un heureux évènement était réelle. Surtout avec une Louise Bourgoin au top de sa forme qui confirme qu’elle est bien devenue une actrice et dont l’alchimie fonctionne plutôt bien avec Pio Marmaï - toujours ce faux-air de Vincent Elbaz. Hélas, si la première partie, celle des 9 mois de grossesse, est plutôt sympathique et rythmé malgré une succession assez ahurissante de clichés, la suite du film s’enfonce dans un mélodrame un brin pataud et surtout bien trop démonstratif qui plombe l’ambiance et risque de filer le bourdon à la majorité des spectateurs et ôter toute envie de faire des bébés à des couples en pleine réflexion. Non pas qu’il faille forcément verser dans un angélisme béat mais le manque de nuances est ici trop flagrant, la dichotomie entre l’avant et l’après accouchement trop évident, trop souligné.

Le plus gênant ? On a trop souvent l’impression de feuilleter les pages d’un magazine féminin, aucun article sur le thème de la maternité ne nous étant épargné, de l’allaitement au choix de la poussette en passant par la reconquête de sa féminité après l’accouchement. Au secours ! L’aspect caricatural (l’opposition des deux grands-mères, la soixante-huitarde face à la bourgeoise pincée en est un des exemples le plus flagrant) du film en devient carrément gênant. Là où Le Premier jour du reste de ta vie était juste et émouvant, Un heureux évènement est trop souvent pesant et artificiel. Peut être Rémi Bezançon, qui oscille entre chouettes idées de mise en scène (des scènes se répondent pré et post accouchement, il sait filmer sans fard et fausse pudeur le corps d’une femme enceinte,…) et maladresses étonnantes (le fœtus qui flotte dans le placenta qui rappelle 2001 Odysée de l’Espace, c’est tout de même très kitsch), aurait-il du écrire un scénario original plutôt que d’adapter le roman éponyme d’Eliette Abécassis.

Pourtant le bonhomme a du talent sans en faire un étalage ostentatoire (un bémol sur son esthétique un peu trop pub) et un indéniable sens du dialogue. On sent aussi une vraie bonne volonté chez lui de faire du cinéma populaire de qualité en creusant certaines thématiques, film après film (en premier lieu, la question du passage à l’âge adulte). Alors, sans s’extasier sur ce dernier né, faisons contre mauvaise fortune bon cœur et gageons que l’heureux évènement sera pour la prochaine fois…

Emmanuel Pujol