Un chic type

Un chic type, scandinavement drôle

Un chic type, récompensé au 2eme festival européen des Arcs, est un film typiquement scandinave. Au-delà du simple fait que le film ait été réalisé par un norvégien (Hans Petter Moland), écrit par un danois (Kim Fupz Aakeson) et joué par un suédois (impassiblement génial Stellan Skarsgård), il résume aussi toute la contradiction du cinéma nordique. Alors que ces pays d'Europe du Nord ressortent généralement tout en haut des divers classements des pays les plus agréables à vivre (le fameux « hygge », l'art de vivre à la danoise), leur cinéma transpire une inquiétude sous-jacente et une déprime fataliste qui s'exprime par des comédies moins douces qu'amères à l'humour souvent aussi noir qu'absurde. Et ce n'est pas ce film qui déroge à la règle...

Le chic type dont il est question ici, c'est Ulrick qui, tout juste sorti de prison, n'a d'autre ambition que de se retrouver un travail honnête. Mais rien ne va être simple sur la route de la rédemption pour cet espèce d'ours silencieux et morose – il faut bien reconnaître que cet anti-héros a le regard assez vide, l'oeil tout sauf vif - mais plein de bonne volonté. Sur sa route, il va croiser son ex-patron mafieux flanqué de son fidèle bras droit fidèle, violent et stupide, une logeuse d'une laideur repoussante mais d'une voracité sexuelle inextinguible (en un mot, c'est une nymphomane et bruyante de surcroit), un fils qui a honte de lui et qui le renie... Finalement, sa vie derrière les barreaux ne devaient pas être bien plus pénible que celle qui semble s'ouvrir devant lui - sa nouvelle chambre, d'un glauque achevé, devant lui rappeler ironiquement  sa cellule!  Le vrai problème d'Ulrick? Ne pas savoir dire non, subir les évènements et se retrouver ainsi embarqué dans des péripéties qui, si elles sont fort embarrassantes pour lui, sont plutôt réjouissantes pour le spectateur.

Installant un faux rythme assez lancinant, le réalisateur dresse surtout une galerie de personnages hauts-en-couleur, pieds-nickelés sans grand avenir et losers pathétiques qu'il confronte avec un malin plaisir à des situations décalées et absurdes. Désenchantée et froidement lucide, cette farce tragi-comique est un petit condensé de l'esprit scandinave... Bon voyage!

Emmanuel Pujol