Titre VO : The Wrestler
Un film de Darren Aronofsky avec Mickey Rourke , Judah Friedlander , Ajay Naidu , Mark Margolis , Todd Barry
Genre : drame - Durée : 1h45 - Année de production : 2008
Date de sortie cinéma : 18 Février 2009
Distributeur :
Dans les années 1980, Randy «The Ram» («Le Bélier») Robinson était une star du catch professionnel, mais il est peu à peu redescendu de son Olympe. Pendant un match sans envergure, il endure une crise cardiaque ; un médecin lui explique qu'un autre combat lui serait fatal. Il décide alors de se ranger définitivement, prend un petit boulot dans la restauration, s'installe avec une strip-teaseuse vieillissante et tente de se lier avec le fils de cette dernière. Mais la perspective d'un dernier affrontement avec son plus grand adversaire, l'Ayatollah, se présente à lui.
Mickey Rourke a fait son film et pas qu'un peu ! Ce film est magnifiquement bien réalisé et montre le catch avec un visage bien différent que celui que l'on peut voir lors de galas. Ici il y a surtout le hors champ dans le champ et il était temps !
Auteur de 4 films coups-de-poing tous différents les uns des autres, Darren Aronofski semble insaisissable : quel point commun entre Pi et The Fountain, entre Requiem for a dream et The Wrestler ? certainement pas la forme, première qualité de son cinéma, en parfaite adéquation à chaque fois avec son sujet. Le fond, alors ? cette quête d'identité, cette soif de comprendre et combattre le Destin, de s'élever au-dessus de sa simple et souvent pitoyable condition humaine. Son dernier né n'y échappe pas, et attaque ce sujet frontalement, d'une manière épurée, qui pourra décevoir les aficionados de la réalisation clinquante d'Aronofski.
Si l'on devait résumer The Wrestler, on pourrait le re-titrer en 'Rosetta fait du catch', Aronofski faisant sienne la mise en scène des frères Dardenne, s'évertuant à filmer son personnage central de dos, en caméra à l'épaule. Effet de mode ? non, car rarement cette nouvelle esthétique du 'back-shooting' aura été si bien utilisée, si porteuse de sens, si l'on se réfère à la thématique cinématographique d'Aronofski développée plus haut. Randy the Ram porte le poids d'une vie sur ses larges épaules, de ses erreurs également, de ses frustrations, qu'il cherche dans le film (qui commence in medias res afin de correspondre à l'idée de l'instantané) à corriger malgré cette notion d'échec qui lui colle aux basques.
Pas d'intrigue, évidemment, ou alors si fine ; juste des morceaux de vie, des rencontres, et cet état de fait, Randy n'existe que lorsqu'il est The Ram. Aronofski jette un regard plein de tendresse sur le monde des catcheurs, ce qu'il se joue en coulisses (respect, admiration, amitié même), à des lieues de la réalité du ring, véritable arène romaine où le jeu n'empêche pas le sang de couler. Le plus émouvant reste la tentative de reconversion du wrestler : Randy est suivi par la caméra, comme au début du film, tel un gladiateur près à investir le stade, mais il ne débouche que derrière un comptoir de boucherie. Sentiment de honte et de frustration pour lui, pitié et compassion pour nous, spectateurs.
Dans cette optique, et tous l'ont dit et répété, l'incarnation de Mickey Rourke est formidable. Non, elle est juste : formidable signifierait forcée, jouée, alors que Rourke y est juste confondant de naturel, le chemin de croix du wrestler faisant écho à sa propre vie. Face à lui, Marisa Tomei rappelle qu'elle est devenue bien trop rare, touchante dans le rôle d'une strip-teaseuse refusant l'amour qui lui tend la main (rappelant l'attitude des héros de Requiem for a dream).
En guise de dernière séquence, Aronofski reprend celle de Rocky, où Adrian regarde le boxeur du haut des gradins. Mais dans The Wrestler, toute l'idéologie du rêve américain est évacuée, l'espoir s'enfuit, et le réalisateur a la bonne idée de couper sur cette image d'un Randy The Ram heureux, faisant face à la caméra et à son destin. Aucun pathos ne viendra tirer les larmes à même les yeux des spectateurs, reste une vibrante émotion, mélancolique et héroïque, que prolonge avec le talent qu'on lui connaît Bruce Springsteen dans le générique.
The Wrestler est un grand film, certes d'un aspect brut qui peut déconcerter, mais en total accord avec soi-même et son auteur. Un auteur parmi les plus importants de sa génération et de ce début de XXIe siècle. En quatre films, rien que ça.
Une approche sensible et intelligente du scénario et la mise en scène d'Aronosfsky parviennent à nous faire ressentir énormément d'empathie pour ce lutteur sur le déclin. Qu'il soit en train de flirter avec une stripteaseuse, de tenter de se réconcilier avec sa fille ou de travailler au comptoir du supermarché, ce lutteur est à la fois pathétique et curieusement attachant. L'interprétation formidable de Mickey Rourke, qui nous livre une performance à la Marlon Brando, où la vulnérabilité cotoie la violence de façon bouleversante. Un drame intimiste, dépouillé et terre à terre, réalisé sans esbrouffe mais avec beaucoup de finesse.
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