Titre VO : The Lady
Un film de Luc Besson avec David Thewlis , Benedict Wong , Htun Lin , Jonathan Woodhouse , Jonathan Raggett
Genre : Drame - Durée : 2h07 - Année de production : 2011
Date de sortie cinéma : 30 Novembre 2011
Distributeur :
The Lady est une histoire d'amour hors du commun, celle d'un homme, Michael Aris, et surtout d'une femme d'exception, Aung San Suu Kyi, qui sacrifiera son bonheur personnel pour celui de son peuple. Rien pourtant ne fera vaciller l'amour infini qui lie ces deux êtres, pas même la séparation, l'absence, l'isolement et l'inhumanité d'une junte politique toujours en place en Birmanie. The Lady est aussi l'histoire d'une femme devenue l'un des symboles contemporains de la lutte pour la démocratie.
Quand Luc Besson, responsable ces 5 dernières années de la trilogie infantilisante d'Arthur et les Minimoys et du massacre d'Adèle Blanc-Sec, a annoncé qu'il allait réaliser un biopic de la birmane Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix en 1991 et symbole vivant de la lutte pour la démocratie, il y avait de quoi être plus que dubitatif. Le seul élément rassurant du projet était que le réalisateur français n'en était pas l'instigateur : c'est en effet Michelle Yeoh qui a contacté Besson pour adapter sur grand écran la vie et l'œuvre de cette femme singulière.
Tout commence avec Suu Kyi toute jeune qui écoute son père, le général Aung San, dans le jardin luxuriant de leur belle maison coloniale. En ce 19 juillet 1947, le général, leader de la Birmanie, quitte ce cocon protégé pour se rendre au siège du gouvernement birman où il sera froidement assassiné avec 6 des ses ministres par ses opposants politiques. Son dernier geste pour sa fille ? Lui mettre une fleur d'orchidée dans les cheveux - l'orchidée sera l'allusion permanente du film à la paix et à la résistance à l'oppression, la colombe étant sans doute un symbole trop cliché même pour Besson… Et Aung San Suu Kyi n'a-t-elle pas été surnomée l'Orchidée de Fer ? Alors, va pour l'orchidée pendant les 2h07 du film ! Le ton politique du film est en tout cas donné dès le départ: aucune nuance (Besson l'a-t-il jamais été, fin ?), un schématisme simpliste avec une nécessité absolue chez le cinéaste de clairement identifier les méchants (il le dit lui-même : " Pour crédibiliser et rendre plus passionnante encore son histoire, il me manquait aussi la présence d'un "méchant" ". Voilà donc le cinéma selon Luc Besson : sans bad guy, point de bonne histoire… C'est évidemment consternant !). Avec un nombre d'ellipses temporels incalculables et mal gérés, il est très difficile de réellement suivre le combat politique de Suu Kyi entre 1988, année où elle retourne en Birmanie au chevet de sa mère malade, et les années 2000. Malgré le fait que la scénariste Rebecca Frayn se soit penché trois ans sur la vie et l'œuvre de la militante, le spectateur a souvent l'impression de se retrouver devant la mise en image de la page Wikipedia de Suu Kyi. Au moins le film donne-t-il envie de se renseigner plus avant sur l'histoire tourmentée de la Birmanie.
Mais contrairement à ce que le toujours modeste Besson affirme (Au sujet de la libération de Suu Kyi, il a déclaré : " On a d'abord été très heureux, puis déstabilisés, car on faisait ce film pour contribuer à sa libération - et on apprenait qu'elle était libérée avant la fin du tournage ". Franchement, elle aurait quand même pu avoir la décence d'attendre la sortie du film pour voir ses conditions de détention assouplies pour ne pas gêner les projets du réalisateur. Non mais je vous jure quel manque de reconnaissance*), ce qui l'intéresse vraiment, ce n'est absolument pas le destin de la Birmanie sous la coupe réglée d'une junte militaire dictatoriale, non ! The Lady est avant tout une histoire d'amour fusionnelle et contrariée entre le prix Nobel de la Paix (qu'il les aime, les femmes fortes, Besson, après Nikita et Jeanne d'Arc !) et son mari Michael Aris ou comment une femme fera passer l'intérêt de son pays avant ses sentiments et sa vie de famille, mais vu par le petit bout d'une lorgnette au prisme déformée par l'idéalisme et la notion de sacrifice, avec bons sentiments dégoulinants et musique assourdissante d'Eric Serra pour bien faire ressortir l'aspect mélo de l'ensemble.
Malgré des comédiens principaux impeccables (Michelle Yeoh et David Thewlis sont vraiment parfaits au contraire des jeunes acteurs qui interprètent les fils du couple et des méchants caricaturaux à souhait), The Lady manque de souffle et souffre de sérieux problèmes et de construction et surtout de point de vue. Alors, évidemment, le sujet en soi est inattaquable (Besson pousse l'indécence d'amadouer la critique jusqu'à un carton final rappelant que la liberté de la presse n'existe pas en Birmanie et que de courageux journalistes ont participé au film au péril de leur liberté) mais on pourra trouver son traitement parfaitement inintéressant et inutilement tire-larmes.
Et l'un des derniers plans finit d'achever cette impression désagréable : quand Aung Sang Suu Kyi vient saluer des prêtres bouddhistes venus la soutenir au seuil de sa résidence dont elle ne peut sortir, on voit clairement briller à son poignet droit une montre de luxe. Toute la maladresse du film est résumée dans cette seule image… L'orchidée de fer aurait mérité beaucoup mieux que cette Lady !
Emmanuel Pujol
*NDLR : Même s'il n'y a pas besoin de le préciser, ça ne fait jamais de mal de le dire : cette remarque est hautement ironique !
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