Scoop

Il y a quelque chose de pourri dans la bonne société londonienne... Un an seulement après en avoir osculté les arrivistes et les dérives dans son splendide "Match Point", Woody Allen se propose cette fois-ci de nous en livrer une photographie côté jardin (buissons brillamment taillés, lac enchanteur) sur un ton nettement plus léger, badin sans doute, et même anecdotique. Et anecdotique, "Scoop" l'est. Peu de films dans la filmographie du new-yorkais le sont autant.

Dans cette histoire de tueur aux tarots qui taraude la penaude (mais fort croquignolette) Scarlett Johansonn, on oeuvre dans un jeu Allenien bien connu. Il y a la vague intrigue policière à tiroirs (bonjour "Meurtre mystérieux à Manhattan"), la mort décomplexée (salut "Guerre et amour"), la confusion des identités (entre ici "Maudite Aphrodite") et le Woody bégayant qui parfois exaspère tant (... Pas tous à la fois, merci...). On aurait aimé une formule à la carte qui fasse honneur à son premier film londonien, on se retrouve avec le menu habituel, écrit petit et finalement bien loin du chelem annoncé. Scarlett est bien sûr une Reine, Jackman (qui minaude à qui mieux miex) a certainement l'allure d'un Roi mais le scénario qui les veut se faire cotôyer a lui tout du bouffon. C'est gentil, c'est aimable, on sourit parfois... Mais c'est pauvre. Très pauvre. Limite fainéant. Le film manque de garde, manque de chien, sans réelle excuse.

Alors quoi ? Reprocher à cet aimable divertissement de n'être qu'une parenthèse mineure dans la filmo de son réalisateur ? On regrettera surtout qu'à trop vouloir concilier comédie et polar, Allen ne parvienne à occuper aucun des deux tableaux. Harro sur ce tarot : le spectateur peut mettre les bouts, il y a plus savoureux chez l'ami Woody. Moi en tous cas, je passe.

Woody Allen collabore avec cette comédie policière pour la deuxième fois avec la sublime Scarlett Johansson, la première fois avait été une réussite avec Match Point. Ici le tandem fonctionne à merveille. Le personnage interprété par Woody Allen est un personnage peu différent de ses autres rôles mais ici son apparition est distillé afin d’en éviter l’overdose et ce retrait volontaire du réalisateur-acteur est très appréciable. Certaines scènes sont très drôles, notamment les moments sur le radeau apparaissant en filigrane tout au long du film. Cela fait plaisir de voir que Woody Allen à retrouver une nouvelle jeunesse en Europe et on attend avec impatience son prochain film avec Scarlett Johansson.

Nouvelle création entre deux grands du cinéma : Scarlett Johansson et Woody Allen, qui nous avait laissé sur notre faim après le superbe «Match Point». «Scoop» qui est une comédie policière assez tranquille, ce qui en fait sa qualité mais aussi son défaut. L'esprit du film est loin d'être lourd, comme maintenant pas mal de film de ce genre, mais on pourrait dire qu'il est peut-être trop léger, alors où est le juste milieu ?! On perçoit donc un léger manque de rigueur tout à fait pardonnable de la part de Woody Allen. Mis à part ça, «Scoop» est un film qui comprend donc de bons acteurs, Scarlett Johansson qui s'adapte parfaitement dans son rôle, un rôle que peu de personnes auraient pu faire si bien. Et d'un autre côté, on a le beau Woody Allen en acteur/réalisateur qui joue parfaitement bien son personnage, qui fait dans la facilité énervante et l'ironie réjouissante. «Scoop» se retrouve dans les même catégories que les grandes comédies/polars comme par exemple «Arsenic et vieilles dentelles» de Franck Capra. «Scoop» est donc un film qui plaira à une grande partie, même s'il n'est pas parfait...

Il est certain que les films d’Allen sont atypiques, et, comme vos amis de l'intelligentsia cinéphile ont du vous le dire, on aime ou on n’aime pas. L’humour décalé et les gesticulations frénétiques du scénariste-acteur-réalisateur, qui semble parfois ne faire des films que pour pouvoir se mettre en scène, ne plaît pas à tout le monde. Dans cet opus ce n'est pas un Scoop de dire qu'il finit par devenir horripilant à force de déverser son flot constant de paroles. Alors certes il s'agit d'une densité drôle où rien n'est de trop pour ce grand angoissé qui s'échine à décrire la complexité du cheminement de ses pensées. Bien sûr, on retrouve la délectation habituelle liée à son personnage de toujours, concentré de frustrations, névroses, tics nerveux, maladresse, finesse et humour. Mais parfois on voudrait qu'il s'arrête un peu, ne serait ce que pour ne pas rentrer dans une auto-caricature tournant à la cacophonie. Dans Scoop on se rend compte que le réalisateur a autant de talent que pour ce fameux «match point», salué par tous, mais à la différence près que dans ce film il joue également et il en fait trop.

En dehors de Woody Allen qui commence à avoir fait le tour de son personnage, Scarlett Johansson est assez juste en jeune apprentie journaliste idéaliste et amoureuse. J'imagine aussi que même dans le fin fond da la campagne nantaise on pourra s'extasier devant la tenue «alerteamalibuesque» de la divine blonde dans la scène de la piscine. Par contre Hugh Jackman ne trompe pas son monde en gentleman anglais. Son jeu est tout ce qu'il ya de plus conventionnel et il obtiendra juste un satisfecit pour n'avoir pas été ridicule et avoir tenté de donner une plus grande largeur à l'éventail de ses compositions. Si le rythme est plutôt soutenu et les dialogues léchés (Allen oblige), le scénario est tiré par les cheveux et la fin n'en est pas une. C'est un bon divertissement , eu égard au comique, travaillé en finesse. On sent la prolixité sur les bons mots chère à notre facétieux Woody. J'en veux pour exemple parfait le savoureux «je suis né dans la religion hébraïque mais je me suis converti au narcissisme». Mais c'est peut être finalement bien plus qu'un bon mot...

Bien-sûr il y a les amateurs de Woody Allen voire les inconditionnels qui attendent impatiemment la sortie de son dernier film et puis il y a les autres... Ceux qui n'ont pas encore été convaincus par son cinéma aussi et surtout parcequ'ils n'ont pas vu les bons et sont restés sur une mauvaise impression. C'est pour cette raison que son dernier film joliment intitulé «Scoop» et dont le casting s'annonce enchanteur fait partie de ces films qui font honneur au maître New-Yorkais. A propos de villes, il est d'ailleurs amusant de penser que Allen réussit à être aussi à l'aise à Londres que dans son bon vieux New-York qu'il nous a toujours si bien dépeint. Et même ce Londres-là a des allures de New-York tant Allen se l'est approprié avec son accent et ses prises de vue déstructurées où les immeubles sont immenses et les silhouettes si ridiculement petites. Comme toujours chez Allen, l'intrigue est rocambolesque et les rebondissements à foison et son «Scoop» n'y échappe pas, mêlant histoire d'amour, humour et douce satyre de la sociéte anglaise sur fond de pseudo-enquête policière. Allen joue également du charme de son interprète principal, Hugh Jackman, qui réussit presque à nous faire douter de sa culpabilité tant il irradie l'écran ainsi qu'à être crédible en Lord anglais et c'est d'ailleurs l'un des rôles les plus intéressants qu'il lui ait été donné de jouer au cours de sa carrière. Quant à Scarlett, elle gagne en simplicité et même en sex-appeal, son jeu étant bien plus subtil que dans «Match Point» et son look assez à contre-emploi. Enfin, Allen, égal à lui-même, réussit même à nous faire rire de sa propre mort. Bref, ce «Scoop» est vraiment un bon cru à conseiller aux convertis comme aux perplexes. Un film d'une légereté de ton assez incroyable porté par le glamour de ses acteurs.