Titre VO : Rapt
Un film de Lucas Belvaux avec Yvan Attal , André Marcon , Alex Descas , Michel Voïta , Gérard Meylan
Genre : drame - Durée : 2h05 - Année de production : 2009
Date de sortie cinéma : 18 Novembre 2009
Distributeur :
Homme d'industrie et de pouvoir, Stanislas Graff est enlevé un matin comme les autres devant son immeuble par un commando de truands.
Commence alors un calvaire qui durera plusieurs semaines. Amputé, humilié, nié dans son humanité, il résiste en ne laissant aucune prise à ses ravisseurs. Il accepte tout sans révolte, sans cri, sans plainte, c'est par la dignité qu'il répond à la barbarie.
Coupé du monde, ne recevant que des bribes d'informations par ses geôliers, Graff ne comprend pas que personne ne veuille payer la somme qui le délivrerait.
Au-dehors, son monde se fissure au fur et à mesure de la révélation de sa personnalité. Tout ce qu'il avait réussi à garder d'intimité, son jardin secret, est révélé à sa famille par l'enquête de police ou celle de la presse.
Chacun découvre un homme qui est loin de ressembler à celui qu'il imaginait.
Quand il retrouvera la liberté, ce sera pour s'apercevoir qu'il a tout perdu, l'amour des siens, l'estime de ses collègues, son pouvoir, la confiance en ses proches.
Sa libération se révélera plus difficile à vivre que sa captivité.
23 janvier 1978, avenue Foch, le baron Empain, riche capitaine d’industrie belge, est enlevé par un groupe armé. L’homme d’affaires sera libéré deux mois plus tard après une détention éprouvante tant physiquement que moralement. Cette histoire aura passionné la France par ses rebondissements multiples (révélations fracassantes sur la vie privée dissolue du baron dont le petit doigt amputé avec une demande de rançon sera retrouvé dans une consigne de la gare de Lyon !)
2009, Lucas Belvaux, cinéaste belge, transpose librement à notre époque cette célèbre affaire. Après une rapide et très efficace introduction du personnage principal, Stanislas Graff - toujours en mouvement, d’un déjeuner avec un ministre à des parties de poker nocturnes et interminables - Rapt entre dans le vif du sujet. La grosse première moitié du film sera consacrée en parallèle à la captivité de Graff et aux réactions de ses proches (famille, collaborateurs, amis) face à ce drame. Entre révélations sordides de la presse à scandale et intérêts politico-financiers, le spectateur se demande qui a vraiment intérêt à ce que le baron soit libéré sain et sauf. Et la police dans tout ca ? Elle essaie tant bien que mal de faire son travail – enfin un film français qui ne caricature pas les forces de l’ordre. Belvaux filme le tout au cordeau, de façon très chirurgicale, presque documentaire. Il peut compter sur la performance hallucinatoire d’Yvan Attal qui n’a pas hésité à perdre 20 kilos pour endosser le rôle de cet otage à son corps défendant. Durant cette heure de pellicule, le film n’est pas parfois sans rappeler Buongiorno Notte qui relatait un autre enlèvement fameux, celui de l’homme politique italien Aldo Moro.
La 2eme partie du film, tout aussi passionnante, narre le retour à la « vraie vie » de l’industriel et sa difficulté à reprendre le cours normal de son existence. Graff n’apparait jamais comme un homme sympathique, c’est un être ambigu, contradictoire, un homme de pouvoir qui parait souvent hautain et insensible. Les rapports humains d’une psychologie complexe jouent ici les premiers rôles : comment surmonte-t-on une épreuve pareille ? Peut-on redevenir l’homme que l’on a été ? Peut-on apprendre à montrer ses sentiments, à communiquer sa peur et son soulagement quand on n’a rien laissé filtré de ses émotions pendant les 40 premières années de sa vie ?
La force de Belvaux est de ne jamais porter un regard critique sur son « héros » : pas de jugement de valeur, pas de morale pesante, il laisse au spectateur la liberté de se forger sa conviction intime sur cet homme complexe. Mais même si le film, noir, dur, sèchement réaliste, est d’une efficacité indéniable dans sa mécanique narrative, s’il captive par son intensité dramatique, Lucas Belvaux fait le choix surprenant (pour ne pas dire dérangeant) d’une caméra très statique rendant plusieurs scènes et situations trop théâtrales et, de fait, artificielles. Hormis Yvan Attal, les comédiens (Anne Consigny, Gérard Meylan,…) sonnent d’ailleurs assez faux : répliques très écrites et déclamées sans réelle émotion, corps figés, la direction d’acteur du réalisateur se révèle assez peu convaincante.
Autre choix qui aurait pu s’avérer judicieux mais qui au final est déroutant, pourquoi avoir choisi de transplanter le kidnapping en 2009 si c’est pour n'absolument pas l’exploiter sur un plan politique et social ? Le film n’est jamais véritablement daté alors qu’avec l’actualité récente (la séquestration de patrons par leurs salariés notamment, les scandales politico-financiers), il y avait matière à faire bien plus qu’à juste s’amuser à changer les noms de codes utilisés par les ravisseurs (beaucoup moins fins que dans l’histoire vraie) ou à utiliser des moyens modernes (le portable !) de communication. De plus, les kidnappeurs du baron Empain ont profité d’une époque très précise où l’enlèvement de dirigeants était une arme de pression politique presque courante pour des courants révolutionnaires à travers toute l’Europe (la bande à Baader en Allemagne, les Brigades rouges en Italie ou encore Action Directe en France).
Toutefois, le film s’achève habilement sur une fin ouverte. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la véritable affaire Empain, de nombreux témoignages existent. Pour les autres, libre à chacun d’imaginer quelle sera la vie d’un homme qui restera forcément meurtri et marqué par son rapt. Lucas Belvaux n’impose rien, même si cela peut frustrer, cela a aussi l’indéniable avantage de susciter le débat à l’issue de la séance.
Emmanuel Pujol
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