Mike

Mike, boy interrupted...

A Kembs, petite ville d’Alsace à la frontière franco-germano-suisse,  Mike et ses potes ne font rien, ils vivent de combines foireuses, trainent dans le garage – qui relève d’ailleurs plus de la casse automobile – de Richard, vieux pervers alcoolique. Mais Mike a un truc en plus, une passion peu commune, il aime voler des voitures pour le seul plaisir de les conduire (il préfère ça que prendre le bus !), les remettant sagement à leur place une vois qu’il a fini d’en avoir l’utilité… C’est au volant d’une de ces Porsche empruntées qu’il séduit Sandy.

Le premier long métrage de Lars Blummers, réalisateur allemand, qui s’inspire d’un fait divers datant de 2005, est une chronique décalée et douce-amère, entre tendresse et amertume. On rit souvent, d’un humour assez absurde, mais c’est une réelle émotion qui surgit par surprise dans la dernière bobine du film. Mike n’est pas un mauvais garçon, c’est juste un jeune homme paumé qui refuse de rentrer dans la vie active, un éternel gamin qui rejette le monde plus responsable et mature des adultes.

Incarné par un Marc-André Grondin qui parvient à faire transpirer ses émotions plus par les gestes et les regards que par les mots, Mike est un anti-héros touchant à force de loose. On sent qu’il ne suffirait de pas grand-chose pour que sa vie bascule du bon côté mais malheureusement il ne trouvera pas d’oreille véritablement attentive, même pas celle d’un flic compatissant mais embourbé dans ses problèmes conjugaux (attention, malgré un véritable sens du timing comique, Eric Elmosnino, de ne pas ressortir à chaque rôle la barbe usée, les pantalons froissés et le débit saccadé et un brin désabusé de Gainsbourg). Et sa compagne (Christa Théret sobre et juste dans la peau de Sandy qui sous des dehors de petite chose fragile cache un caractère bien trempé) ne saura pas plus responsabiliser ce Peter Pan alsacien.

Premier film maitrisé, privilégiant l’aspect humain au côté esthétique, avec une photographie tout de même soignée aux tons assez chauds (le réalisateur cite notamment Monte Hellman comme référence), Mike est un conte impressionniste sur une vie qui aurait, somme toute, pu être des plus banales mais que le hasard – ou le destin, appelez cela comme vous voulez – a transformé en un destin peu commun. 

Emmanuel Pujol