Machete

Machete, le Mexicain a la gâchette facile

Tout est partie d'une blague signée de deux sales gosses férus de cinéma bis et nostalgiques des 70's, époque bénie où des salles obscures dédiaient leur programmation aux films d'exploitation… Quentin Tarantino et Robert Rodriguez (vous les aviez sans doute déjà identifiés) ont donc réalisé il y a trois ans un diptyque Grindhouse dans les règles de l'art. Aux Etats-Unis, Boulevard de la Mort et Planète Terreur étaient proposés - dans des versions plus courtes que celles sorties de façon indépendante dans le reste du monde - lors de la même séance pendant laquelle étaient aussi diffusées de fausses bandes-annonces de films plus improbables les uns que les autres (notamment celui au titre plus qu'évocateur, Werewolf Women of the SS). Sauf que l'une d'entre elles allait tellement créer le buzz à cause de son personnage principal que Robert Rodriguez n'a pas résisté à l'envie d'en faire un long-métrage, un vrai. C'est ainsi qu'est né Machete !

Au casting original de gueules cassées (Danny Trejo à la trogne couturée et marquée par une vie d'excès, Cheech Marin en prêtre azimuté qui, contrairement à Dieu, ne pardonne pas, Jeff Fahey aux faux airs de Billy Bob Thornton) sont venus s'ajouter quelques noms clinquants d'acteurs has been (Don " Miami Heat " Johnson, Steven Seagal qui a carrément coupé sa queue de cheval et Bob de Niro toujours et encore dans l'auto-caricature de l'immense acteur qu'il fut il y a maintenant bien longtemps) et de starlettes glamour en quête de légitimité (Jessica Alba nue mais uniquement grâce à la magie arnaque de la retouche numérique en post-prod, Lindsay Lohan vraiment nue mais elle n'a plus vraiment le choix pour essayer de faire parler d'elle autrement que dans les pages faits-divers des magazines people, Michelle Rodriguez pas nue du tout et la plus convaincante des trois). Le tout forme une improbable galerie de personnages loufoques dans un film à l'utra-violence graphique et au fun assumé à 200%. Dans Machete, le sang gicle autant que les répliques qui tuent. Quand à l'histoire faite de vengeance, de rédemption et de rébellion, elle est limite secondaire et simple prétexte à l'épopée sanglante et jubilatoire du despérado mexicain. Il faut tout de même souligner la virulence assassine (mais facile) de Rodriguez contre la politique d'immigration américaine vis-à-vis de son voisin mexicain et le portrait au vitriol de texans racistes et d'hommes politiques opportunistes et corrompus jusqu'à la moelle.

Mais les blagues les plus courtes ne sont-elles pas les meilleures (ainsi que les moins longues) ? C'est une question que l'on est en droit de se poser en voyant Machete. Car la fausse bande-annonce contenait déjà en moins de deux minutes trente chrono la majorité des meilleures répliques et des scènes les plus intéressantes du long (comme souvent dans une bande annonce américaine me direz vous !). L'efficacité se délaie donc dans des scènes de dialogues explicatives sur le pourquoi du comment dont on se fout tout de même gentiment pour ne pas dire royalement. Même si le film réserve son lot d'adrénaline et remplit sans rechigner sa simple mission de divertir avec têtes coupées et massacres pour fanboys conquis d'avance, Robert Rodriguez semble se contenter du minimum syndical en s'appuyant sur un personnage charismatique et en brodant quelques péripéties autour. Le bonhomme semble décidément exploiter un fonds de commerce apparemment inépuisable et prendre les geeks pour des vaches à lait en leur offrant sur un plateau des produits calibrés pour leur plaire mais sans autre ambition artistique. Malin à court terme peut être mais pas forcément tenable sur toute une carrière…

Une chose est sure, la prochaine fois, " don't fuck with the wrong Mexican ", Robert, et propose à ton public une idée plus originale et développée… Au travail!

Emmanuel Pujol
 

 le 21 Octobre 2013 par febu