Les Runaways

Les Runaways, écrin rock pour deux actrices en quête de crédibilité

Quoi de mieux pour deux actrices cataloguées comme « jeunes filles sages » qu'un biopic gentiment trash sur le premier vrai groupe de rock féminin pour s'émanciper définitivement? A priori rien ont du se dire Kristen « Twilight » Stewart et Dakota Fanning. C'est pour cette dernière que la transformation est la plus radicale, passant d'enfant star assez tête à claque à presque femme. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas innocent si le film s'ouvre sur les premières menstruations du personnage jouée par Dakota, Cherrie Curry. Cherry est appelée à devenir la chanteuse capricieuse et égocentrique des Runaways dont la véritable leader est Joan Jett, fonceuse et vrai petit mec jouée par Miss Stewart qui ne se départit certes pas de sa moue boudeuse mais à qui les cheveux raccourcis vont plutôt bien.

Mais, curieusement – surtout pour un film réalisée par une femme, la clippeuse et photographe Floria Sigismondi – c'est l'excentrique Kim Fowley – joué par un Michael Shannon en totale roue libre, cabotinant avec grand talent – qui vole purement et simplement la vedette aux rockeuses en herbe. Ce manager aux mœurs déviantes et à l'insatiable appétit sexuel est au centre du film, il lui donne son rythme et son aspect provocateur. Car pour le reste, ce biopic reste assez désespérément lisse et sage. Oui, avec le succès, la tête des filles du groupe tournent; oui, elles consomment des substances illicites; oui, elles découvrent leurs corps et les premiers émois sensuels et sexuels. Mais tout cela est filmé avec une telle distance que, malgré les tentatives de donner à la photographie un grain à la pellicule censé rappeler les folles années 70 – parfois le film verse carrément dans le kitsch porno soft façon David Hamilton -, les Runaways reste un divertissement léger, superficiel et bien inoffensif.

Plutôt que de se focaliser sur l'aspect grandeur et décadence de ce groupe façonnée de toutes pièces – le début du marketing musical -, le film se centre plus sur le difficile passage à l'âge adulte des ces jeunes filles dans la fleur de l'âge, perturbées par cette notoriété soudaine et inattendue et sur les répercussions sur leur entourage et familles respectives. Les trajectoires diamétralement opposées que prendront Joan et Cherrie est illustrée de façon intelligente dans une dernière scène touchante où les regrets sont éloquents, la distance séparant les deux jeunes femmes étant telle qu'elle ne peut plus résulter en un silence lourd de sens. Les runaways n'auront vécu que 4 ans, suffisamment pour faire d'une féminisme plus qu'un beau discours. Le film illustre bien mieux cet état de fait dans des anecdotes apparemment insignifiantes que dans la reconstitution fidèle mais trop molle des tourments classique d'un groupe de rock.

En tout cas, il en est une à qui ce biopic (qui a la politesse de ne durer qu'une petite heure et demie) à donner des idées: la véritable Cherrie Currie! A 50 ans passés, liftée à outrance, l'ex-chanteuse a annoncé son ambition de reformer les runaways. Pas sur que cela soit une bonne idée...

Emmanuel Pujol