Les Hommes libres

Les hommes libres, et tu seras un homme, Tahar

En voilà un sujet en or : dans le Paris occupé de la seconde guerre mondiale, les responsables de la mosquée de Paris aide les juifs et tous les opprimés à échapper à la barbarie nazie. Cette résistance méconnue est vue à travers les yeux de Younes, un émigré algérien qui vit du marché noir et qui suite à une descente de police, va être obligé dans un premier temps de collaborer avec les autorités françaises pour espionner les activités des responsables de la Mosquée…

Pour son second long-métrage (il a également participé à Enfances, un film collectif pour lequel il signe le segment sur Jean Renoir), Ismaël Ferroukhi aidé au scénario par Alain-Michel Blanc, collaborateur de Radu Mihaileanu, s’est attaqué à un projet ambitieux qu’il traite hélas de manière trop académique. La réalisation est d’un classicisme forcené qui manque de souffle et d’ampleur (du à un manque de moyens ?). Quand à l’histoire, elle est beaucoup trop centré sur le personnage de Younes, témoin d’abord très passif - le film met beaucoup de temps à démarrer - et qui occupe ensuite tout l’espace au détriment de personnages secondaires hélas seulement esquissés et trop rapidement rejetés au second plan : pauvre Lubna Azabal dont le beau personnage de femme fière et digne est totalement sacrifiée, Mahmud Shalabi est un peu mieux servi mais le chanteur Salim se transforme rapidement en simple faire-valoir pour les actes héroïques de Younes. La frustration est grande de voir un tel sujet être traité de façon aussi scolaire en manquant d’une réelle dimension épique et d’une intensité émotionnelle que l’on espère jusqu’au bout mais qui ne viendra jamais.

Heureusement, même si le film manque de subtilité, il évite tout de même de façon salutaire un militantisme trop appuyé dans lequel aurait pu tomber ces Hommes Libres sous la direction, par exemple, d’un Rachid Bouchareb.

Le choix du casting est d’ailleurs à l’image du film. Que Michael Lonsdale soit un immense acteur est une évidence mais le choix de lui confier le rôle du recteur de la Mosquée de Paris relève plutôt de la fausse bonne idée et du coup marketing (le parallèle avec son rôle de moine dans Des hommes et des Dieux est inévitable). Quand à Tahar Rahim, il faudra encore quelques films pour savoir s’il est atteint du même syndrome que sa compagne Leila Bekhti - à savoir toujours jouer le même personnage quel que soit le rôle – ou si c’est un choix volontaire de direction d’acteur de la part d’Ismaël Ferroukhi de le faire jouer ainsi Younes, tout en retenue et en silence, l’observateur d’abord égoïste qui se transforme au contact des autres en altruiste héros de l’ombre.

Même si les hommes libres ne bénéficie pas forcément du traitement cinématographique qu’un tel sujet aurait mérité, le pan d’histoire que le film dévoile reste suffisamment intéressant et méconnu pour qu’on y jette un œil curieux à défaut d’être passionné.

Emmanuel Pujol