Titre VO : Iklimler
Un film de Nuri Bilge Ceylan avec Nuri Bilge Ceylan , Mehmet Eryilmaz , Ufuk Bayraktar , Arif Asci , Can Özbatur
Genre : drame - Durée : 1h37 - Année de production : 2006
Date de sortie cinéma : 17 Janvier 2007
Distributeur :
Isa et Bahar sont deux êtres seuls, entraînés par les climats changeants de leur vie intérieure, à la poursuite d'un bonheur qui ne leur appartient plus.
»Les Climats» convoquent en moi un certain malaise, tout autant que la note (la plus basse) que je lui attribue finalement. Parce qu'une petite voix me chuchote que je suis forcément passé à côté de quelque chose, qu'une telle unanimité critique a ses raisons, et qu'une certaine communauté d'esprit avec la culture turque voudrait me voir rehausser cet opus... Et pourtant rien n'y fait : je me suis fait copieusement chier devant ces Climats. Ou pour être plus honnête : j'ai lutté contre le sommeil. Pendant presque tout le film. Et croyez-moi, faire somnoler un vieux routard du cinéma contemplatif comme moi n'est jamais chose aisée.
Tout commence par quelques clichés qu'on jurerait de carte postale si quelque chose de plus sourd n'effleurait pas la surface : une visite de ruines (à Aphrodisias ?), un repas entre amis avec vue imprenable sur le littoral, une pause sur la plage... Mais c'est un couple qui étouffe (l'élipse rêveuse sur la plage est à ce titre très bien vue) et qui ne va pas tenir bien longtemps. On va donc suivre le petit bonhomme de chemin de Niro Bilge Ceylan (réalisateur ET acteur principal) et de sa compagne Ebru Ceylan (à la ville comme à l'écran)... Ah non, on me fait signe qu'en réalité la belle n'est présente qu'au début et à la fin ! Donc d'états d'âmes et de questionnement, il ne sera question pendant ce film que pour son anti-héros, personnage plutôt veul, cruel et faible... Le moindre des mérites de Ceylan n'est pas d'avoir gâté son personnage !
Las, tout cela refuse d'avancer... Que la forme (tranquille, lisse, presque feuilleton en plan fixe) épouse aussi peu le fond (des passions que l'on imagine refoulées, inavouées), cela se fait rare sous nos latitudes. Il ne se passe pas grand-chose, il ne se dit pas grand-chose, on imagine Vincent Lindon et Valérie Lemercier débarquer à tout instant (enfin... J'imagine... Traumatisme de «Vendredi soir» olige). Et même la surprenante scène de rentre-dedans à même le parquet ne parvient pas à lever la pâte. Ca ne prend pas, ça ne veut pas prendre.
Bien sûr tout cela est subjectif. Bien sûr on pourra me rétorquer que la photo est belle, on pourra convoquer (c'est la mode) le spectre d'Antonioni... Mais justement, Antonioni, ce n'est pas que «Blow up» !!! C'est aussi son lénifiant «Profession reporter» (très beau plan final, du reste), son chiantissime «Zabriskie Point», bref un cinéma tellement peu bavard et tellement peu remuant qu'il en devenait parfois mural, un peu comme le papier-peint de votre grand-mère (vous m'excuserez auprès d'elle, l'image n'est pas heureuse) !Alors «Les Climats», encensé par la critique certes... Mais ce ne sera pas le film le plus unanimement apprécié qui soit. Certains n'y verront qu'un long, interminable autoportrait en noir et blanc d'un réalisateur un brin cynique et gentiment mégalo qui aime se regarder filmer. Si ceux-là ne se sont pas endormis avant...
Il y a trois ans, Nuri Bilge Ceylan débarquait avec «Uzak», chronique contemplative et rigolarde sur la cohabitation tumultueuse de deux cousins turcs. Le genre de film assez beau, mais dans lequel il fallait se farcir de très longs plans fixes injustifiés entre deux scènes de qualité. Heureusment, «Les Climats» marque une nette évolution dans le style de Ceylan : celui-ci a un peu plus de choses à raconter, et sa façon de mettre en scène son histoire est enfin devenue personnelle, loin des carcans trop rigides du cinéma d'auteur lambda. »Les Climats» est simplement l'histoire d'une rupture. Sous un soleil de plomb, Bahar (c'est la femme) et Isa (le mec, donc) se séparent. Provisoirement peut-être. Ou pas. Ensuite, au gré des saisons, chacun vit la séparation comme il le peut. Le sujet n'est pas neuf? Certes. Mais Ceylan (qui réalise, scénarise, produit, cadre, monte, et joue le rôle principal aux côtés de sa jeune femme) le traite avec une cruauté dont on ne le croyait pas capable, et avec un style tout en hors-champ et en variations picturales qui rend Les Climats proprement unique. Parce que sa mise en scène est sans cesse le reflet de ce que vivent ses personnages, parce qu'il a rangé sa pudeur au vestiaire pour offrir quelques scènes d'une vraie violence morale (la virée à moto, et surtout LA scène érotique, sommet de malaise parce qu'on se demande longtemps après le film s'il ne s'agirait pas d'un demi-viol), Ceylan révèle un tempérament de feu et une fascination méthodique pour le fonctionnement de nos vies. Souvent comparé à Antonioni à l'époque d'»Uzak», il s'impose ici en digne héritier d'Albert Camus (on pense souvent à L'étranger, pour les scènes de plage et pour l'indifférence totale du personnage principal à l'égard de ce qui l'entoure). Et, c'est suffisamment rare pour être souligné, montre une réelle aisance à évoluer à la fois devant et derrière la caméra. On ne sent jamais aucune retenue, ni dans la mise en scène, ni dans l'interprétation. Ces Climats-là sont une vraie réussite, et pas besoin d'être Laurent Romejko pour s'en rendre compte.
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