La Proie

La Proie, le fugitif version française

Il y a un an et demi, le thriller politique Une affaire d'état avait séduit la presse et les spectateurs. Voir son réalisateur Eric Valette s'attaquer à un film policier bien pêchu et populaire suscitait donc une certaine attente quand au résultat, surtout connaissant l'état de friche de ce genre en France – mis à part Fred Cavayé qui semble vouloir lui redonner un nouveau souffle... Et le problème c'est que justement La Proie souffre fortement de la comparaison avec A bout portant sorti en fin d'année dernière.

Même si Eric Valette a au moins le mérite de rendre très lisible toutes ses scènes d'action en ne cédant ni à la fatigante mode du shaky-cam ni à la facilité d'un montage ultra-cut, le film paraît paradoxalement souvent trop lisse et gentillet dans sa mise en scène et en image, manquant singulièrement de punch – le rythme sur courant alternatif est aussi en cause, les moments de calme n'étant pas toujours bien gérés. En somme, Eric Valette échoue en partie là ou Fred Cavayé avait réussi: donner une vraie efficacité à son film!

L'idée de départ de faire du héros un criminel en cavale qui doit à la fois retrouver un serial-killer (Stéphane Debac, très suave certes mais parfois too-much) pour prouver son innocence et échapper aux flics (parmi lesquels on note avec plaisir le retour à l'écran d'Alice Taglioni) qui le poursuivent était pourtant particulièrement maline. Sauf que les scénaristes ont décidé de donner systématiquement aux spectateurs un coup d'avance, les enjeux leur étant dévoilés non pas en même temps qu'aux différents protagonistes mais avant. Le suspense s'en trouve donc totalement désamorcé – le pire étant le traitement réservé aux flics (Zinedine Soualem n'a jamais été aussi mauvais, il sonne faux dans chacune de ses scènes) qui paraissent ainsi particulièrement mauvais en déduction!

Autre gros point faible du film, sa première bobine, lorsque le héros Franck Adrien (un Albert Dupontel que l'on sent physiquement investi à 100%) est encore en prison. Rien n'y est crédible! Bien sur, sans prétendre à la reconstitution quasi-documentaire d'un Prophète, au moins aurait-il fallu que cette prison ressemble à une vraie prison, là tout est beaucoup trop beau, trop propre, trop moderne ça ne sent véritablement ni la sueur ni la peur, on a vraiment du mal à y croire. Par contre, côté caricatures, ça en rajoute beaucoup trop entre le maton ultra-pervers et corrompu et le gang tatoué d'Europe de l'Est avec dialogues assez téléphonés. On est donc même bien loin d'un autre film d'action carcéral récent, l'espagnol Cellule 211. La suite n'est qu'une longue course-poursuite avec quelques moments de bravoure sympathiques mais multipliant à outrance les sous intrigues souvent inutiles et se terminant par un twist final plus invraisemblable.

Alors, oui, même si on a très envie de défendre ce genre de film made in France, même si sa sincérité et sa tentative de faire renaitre une certaine idée du cinéma populaire ne sont pas à remettre en cause, force est de constater qu'il est difficile de s'enthousiasmer pour cette Proie manquant de piquant...

Emmanuel Pujol

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