Titre VO : Invictus
Un film de Clint Eastwood avec Morgan Freeman , Matt Damon , Tony Kgoroge , Patrick Mofokeng , Scott Eastwood
Genre : drame - Durée : 2h12 - Année de production : 2009
Date de sortie cinéma : 13 Janvier 2010
Distributeur :
En 1994, l'élection de Nelson Mandela consacre la fin de l'Apartheid, mais l'Afrique du Sud reste une nation profondément divisée sur le plan racial et économique. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen un motif de fierté, Mandela mise sur le sport, et fait cause commune avec le capitaine de la modeste équipe de rugby sud-africaine. Leur pari : se présenter au Championnat du Monde 1995...
A peine le temps d’être récompensé pour Gran Torino, élu meilleur film 2009 par les internautes de Fan de Cinéma que Clint Eastwood est déjà de retour sur les écrans français avec son 30eme film en tant que réalisateur, Invictus. Et avant que le monde entier ne braque à nouveau ses yeux sur l’Afrique du Sud et ses Bafana Bafana cet été pour la coupe du monde de football, Eastwood nous convie 15 ans en arrière à la coupe du monde … de rugby !
Le titre du film – littéralement « invincible » en latin – est tiré d’un court poème de William Henley qui aurait inspiré Nelson Mandela pendant sa longue captivité de 27 ans. Mais loin de dresser un portrait hagiographique de « Madiba » (son nom clanique), Eastwood s’intéresse presque uniquement au pari du président de ressouder un peuple divisé grâce à la force du sport. C’est en effet à la coupe du monde de rugby 1995 que nous convie le vétéran américain : de la préparation à la consécration, des calculs politiques et humains de Mandela à la prise de conscience de l’importance de l’évènement dans la construction d’une nation arc-en-ciel par les Springboks - en premier lieu desquels leur capitaine, François Pienaar. Et l’équipe d’Afrique du Sud partait de très loin : en 1994, le XV sud-af boycotté au niveau international à cause de l’Apartheid est loin de la grande équipe triomphante d’aujourd’hui.
Dès la scène d’ouverture – Mandela vient d’être libéré, sa voiture longe d’un côté un luxueux terrain de rugby d’un collège privé fréquenté uniquement par de jeunes blancs et de l’autre un township clôturé de barbelés où des enfants noirs jouent au foot, les enjeux sont clairement posés : comment apaiser les tensions raciales ? Comment pardonner le passé pour avancer vers un avenir commun ? Nelson Mandela sera le premier à donner l’exemple : non seulement en gardant l’ancienne équipe administrative du temps du président de Klerk mais également en conservant malgré l’avis populaire le nom et les couleurs de l’équipe nationale, pourtant emblème des Afrikaners. Autre fait marquant, il décide de mélanger noirs et blancs dans sa garde personnelle malgré les réticences des uns et des autres de travailler ensemble. Ces quelques anecdotes historiques donnent un supplément d’âme au scénario basé essentiellement sur les trajectoires parallèles de Mandela et Pienaar.
Le travail de reconstitution d’Eastwood est impressionnant : tourné entièrement sur les lieux des évènements (et même sur Robben Island, lieu de détention de Mandela), le film rend justice à la beauté des paysages locaux. De même, les scènes de rugby, sport spectaculaire et finalement beaucoup plus « cinégénique » que le football, sont assez fidèlement reconstitués à l’exception de deux ou trois gaffes (les coups d’envoi sont fabuleusement farfelus et lors de la finale, l’écran géant indique la 110eme minute, impossible puisqu’avec prolongation un match de rugby dure…100 minutes. On pardonnera facilement ces quelques erreurs à un Américain à qui le rugby était totalement inconnu avant le début du tournage). Plus ennuyeux, Eastwood préfère éviter la controverse et exalter la fraternité et la solidarité née de cette épopée victorieuse. En effet, aucune allusion aux erreurs d’arbitrage qui avaient émaillé la demi-finale dantesque face à l'équipe de France (essai accordé à tort pour l’Afrique du Sud, un autre refusé sans raison pour les Bleus,…) ni la moindre référence à la curieuse intoxication alimentaire qui avait touché les Néo Zélandais - pourtant ultra-favoris - avant la finale !
Plus agaçant encore, la tendance du réalisateur à transformer parfois son film en clip Benetton (la chanson Colorblind d’Overtone serait d’ailleurs parfaite dans une pub United Colors !) ou à vouloir créer un suspense finalement inexistant – notamment en faisant croire à une possibilité d’attentat contre le président avec son chef de la sécurité en permanence à cran. Dernier reproche, le film est trop long. Et cela pour une seule et unique raison : le dernier quart d’heure du film est presque entièrement au ralenti avec une prolongation qui n’en finit pas – certes les Américains ne savent peut être pas que l’Afrique du Sud a gagné la coupe du Monde mais l’image de Nelson Mandela vêtu du maillot vert et or remettant le trophée à François Pienaar est probablement l’une des plus marquantes des années ’90 !
La force du film réside en réalité dans la performance d’un seul homme : Morgan Freeman, adoubé par Nelson Mandela lui-même qui au cours d’une interview avait nommé l’acteur américain pour l’incarner à l’écran. Le comédien – qui a quelques années près a aujourd’hui l’âge qu’avait Mandela en 1995 - ne joue pas Mandela, il est Mandela à un tel point que c’en est troublant. Face à lui, Matt Damon – impressionnante musculature surtout après les kilos qu’il avait du prendre pour The Informant – n’est pas ridicule en capitaine courage des Boks même s’il ne dégage pas un charisme impressionnant face à ses coéquipiers dans l’intimité du vestiaire.
Après un arbitrage vidéo minutieux, Invictus échoue donc à transformer l’essai mais s’élève tout de même largement au-dessus de la mêlée de la production courante américaine pour une belle histoire d’hommes. En tout cas, une chose est sure, cela va devenir de plus en plus difficile pour Spike Lee d’accuser Clint Eastwood de racisme…
Emmanuel Pujol
NDLR : Parce qu’un peu de culture, ça n’a jamais fait de mal à personne, voici en intégralité et en version originale le poème de William Henley:
Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.
In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbow'd.
Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.
It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate,
I am the captain of my soul.
Évidement qu'on a presque tous de l'admiration pour Nelson Mandela mais ce film n'est pour moi pas à la hauteur de cet homme. Les scènes de rugby sont absolument calamiteuses, on se demande même si les acteurs avaient vu un ballon de rugby une fois dans leur vie !
Fan de Cinéma est enregistré à la C.N.I.L. sous le n° 1143859 - Copyright © 2005-2021 LS Project Tous droits réservés. Scruteweb - community management. Voyance sérieuse .