D'un film à l'autre

D'un film à l'autre, 50 ans de carrière, un documentaire...

En 1961, Claude Lelouch créait sa société de production, Les Films 13. 50 ans plus tard, le réalisateur insubmersible sort un film-somme, une rétrospective sur sa propre carrière émaillée de grands succès et d'aussi importants échecs qu'il dissèque avec une passion intacte depuis un demi-siècle.

D'un film à l'autre s'ouvre sur C'était un rendez-vous, le fameux court-métrage tourné en 1976 dans lequel Lelouch parcours Paris au petit jour au volant d'une voiture de sport. Tourné en plan séquence avec la caméra fixée sur le pare-chocs et en totale illégalité (aucune autorisation, conduite extrême pied au plancher – jusqu'à 200 km/h sur les quais – sans respecter ni les feux ni les sens interdits), ce court est presque un résumé de la carrière du réalisateur: tout faire à fond, sans arrières-pensées et surtout sans regrets en dépit de tous les risques, notamment celui de se planter magistralement.

Commentant en voix-off son parcours, ses films, ses choix, Lelouch fait un immense travail de psychanalyse cinématographique. Bien qu'il joue parfois le rôle de Caliméro («Mais pourquoi la critique a-t-elle été si méchante? »), il reconnaît tout de même ses failles et ses échecs sans jamais se départir de ce ton de grand enfant qui n'a fait que jouer, s'amuser et surtout vivre ses rêves tout au long de son existence.

Mais D'un film à l'autre est aussi un making-off géant, une master-class de 100 minutes sur une carrière longue de 43 films (et il y en aura surement d'autres!), l'occasion de voir des documents inédits sur les coulisses des tournages, de se souvenir que Lelouch a dirigé les plus grands acteurs français - l'hommage à Dewaere est particulèrement émouvant - ou d'apprendre des dizaines d'anecdotes cocasses et révélatrices du personnage. Et notamment que le réalisateur a refusé de céder aux sirènes d'Hollywood après avoir remporté deux Oscars pour Un homme et une femme (meilleur film étranger et meilleur scénario original – Lelouch avait aussi été nominé dans la catégorie meilleur réalisateur et Anouk Aymée pour la meilleure actrice!) parce qu'il avait envie de continuer à faire ses films, à raconter ses histoires!

Faire un documentaire sur ses propres films, cela peut paraitre terriblement narcissique mais c'est également totalement conforme à l'image que l'on se fait de Claude Lelouch, c'est à dire excessif mais touchant, maladroit mais sincère. On sent chez lui un tel amour du cinéma (et des femmes!) et une telle envie de le communiquer aux autres avec une immense naïveté et un état d'esprit dépourvu de tout cynisme que cela en devient presque le sujet principal du film, ce regard de Lelouch sur Lelouch!

Revenant sur son itinéraire, D'un film à l'autre est la confession d'un réalisateur gâté...

Emmanuel Pujol