Comment tuer son Boss ?

Comment tuer son boss, petit manuel pratique pour salariés stressés

Il vous fait enrager presque tous les jours, vous ne l'aimez pas mais alors pas du tout, vous trouvez qu'il ne prend que des mauvaises décisions, qu'il est injuste et cruel à caler des réunions le lundi matin à 8h30 ou le vendredi soir à 19h00 (dans ces cas-là, vous vous dites " mais il n'a pas de vie privée, c'est pas possible ? "). Enfin, bref, vous ne pouvez pas l'encadrer et, parfois, quand le stress vous ronge, vous allez jusqu'à souhaiter sa mort - que vous imaginez lente et douloureuse idéalement… Si cela correspond à ce que vous ressentez en face de votre patron, plutôt que de risquer une longue peine de prison pour un meurtre mal préparé, mieux vaut accepter d'abord l'enfermement consenti d'1h40 dans une salle obscure pour découvrir, justement, " comment tuer son boss ".

Cette comédie reprend à son compte le schéma gagnant de Very Bad Trip - un trio de potes embarqués dans des péripéties de plus en plus improbables - et décliné sans grande originalité par des producteurs toujours aussi soucieux de rentabiliser leurs investissements dans des projets sans risque et donc, hélas, sans grande originalité. Impression confirmée à la vue de la bande-annonce qui dévoile absolument toute l'intrigue et - presque toutes - les meilleures scènes du film (vous êtes prévenus !)

Voilà donc nos trois amis, tyrannisés par leurs " horribles bosses " (une nymphomane, un psychopathe, un blaireau - comme le proclame l'affiche) qui, un soir de beuverie, décident d'en finir avec eux. Sauf qu'évidemment, ces braves garçons ne sont pas des criminels endurcis et que la réalisation de leurs projets machiavéliques va s'avérer bien plus compliqué que prévu. Mais ce ne sont pas eux le réel intérêt du film. Campés par des acteurs bien trop sages et sans saveur (même si Jason Bateman ne s'en sort pas trop mal, Jason Sudeikis est d'une fadeur sans nom et Charlie Day, à la voix suraiguë, insupportable), ils sont relégués au rang de faire valoir des patrons dont chaque apparition fait mouche. Jennifer Aniston s'en donne à cœur joie dans ce rôle de dentiste nymphomane et vulgaire qui lui offre enfin un contre-emploi à son habituel personnage de gentille fille. Kevin Spacey est retors et machiavélique à souhait, totalement crédible quand il prend un malin plaisir à humilier ses subordonnés. Quand à Collin Farrell, il est méconnaissable et assez génial dans le costume du fils à papa arrogant, cocaïnomane et débile.

Hélas, alors que le film tenait des personnages hauts en couleur et jouissifs, le scénario les fait passer au second plan bien trop rapidement. Ils disparaissent (et pas dans le sens où vous le pensez, la bienséance puritaine américaine et le politiquement correct interdisent à la comédie d'assumer son cynisme et ses intentions sombres) au premier tiers du film, passant au second plan pour laisser la place à des rebondissements moyennement passionnants et pas forcément hilarants du trio. Et la fin, terriblement bâclée et mal-écrite, vient confirmer cette étrange impression d'être passée à côté d'une vraie bonne comédie, tout cela pour ne pas avoir oser faire de ces bosses odieux les vrais personnages principaux du film.

Emmanuel Pujol