Buried

Buried, interdit aux claustrophobes

Un téléphone portable, une lampe et un briquet. Ces trois objets constituent le dérisoire bagage de Paul Conroy, un camionneur américain travaillant pour une société privée américaine en Irak, qui se réveille entre les quatre planches d’un cercueil, enterré vivant dans le désert irakien.

Le parti pris complètement fou de Rodrigo Cortes, c’est de laisser le spectateur enfermé avec Paul dans ce cercueil pendant les 95 minutes du film. Ce qui aurait pu n’être qu’une simple astuce technique ne fonctionnant pas au-delà des 5 premières minutes du film, une esbroufe inutile ne dépassant jamais le statut de gadget marketing pour provoquer un buzz autour du film, force est de constater que le pari fou du réalisateur espagnol se transforme en tour de force assez vertigineux. Car jamais l’ennui ne parviendra à s’installer et ce pour plusieurs raisons. Primo, le scénario parvient à faire rebondir habilement l’intrigue aux moments opportuns en adressant une vive dénonciation de la gestion humaine du conflit irakien par l’administration américaine (il est facile de s’imaginer les interlocuteurs de Paul confortablement installés à leur bureau, derrière l’écran de leur ordinateur, dans une réalité virtuelle bien loin de la réalité du terrain). Secundo, le réalisateur parvient à faire vivre le même calvaire aux spectateurs qu’à Paul. Même pour un non-claustrophobe, les premières minutes sont très éprouvantes, l’air semble se raréfier dans la salle de cinéma et l’on se ratatine dans son fauteuil que l’on sent soudain dangereusement rétrécir. Cette angoisse tant physique que psychologique permet une proximité immédiate avec cet otage malgré lui. Tertio, et c’est une vraie bonne surprise, la performance de Ryan Reynolds, acteur plutôt falot qui se contentait de comédies romantiques ou de films d’action sans grande envergure (il est en plus accessoirement, l’heureux homme, marié à Scarlett Johansson), est tout simplement incroyable. Il donne vie et crédibilité à ce type ordinaire plongé dans une situation extraordinaire qui le dépasse complètement.

Bien sur, certains aspects sont moins bien rendus : le terroriste avec qui Paul doit négocier est hautement caricatural, son accent ridicule aurait plus eu sa place dans une parodie comique que dans un tel drame, le twist final est aussi terrifiant que convenu (mais il fallait bien le finir d’une façon ou d’une autre), la gestion de la batterie du téléphone et de la réserve d’air de Paul peut par moment manquer totalement de crédibilité. Il n’empêche, ces défauts sont contrebalancés par l’efficacité du suspense que le scénario parvient à entretenir tout du long du calvaire de Paul.

Prenant pour modèle rien moins que le maitre du suspense, Alfred Hitchcock (et notamment pour Lifeboat, huis clos en bateau, et la Corde, vertigineux plan séquence), Rodrigo Cortes fait preuve d’une maitrise technique de tous les instants dans un périmètre aussi réduit. On pourra toutefois émettre un petit bémol sur ces étranges plans larges pendant lesquelles la caméra s’élève au-dessus du cercueil, filmant Paul allongé de tout son long. Ils ont le tort d’oxygéner le spectateur, le libérer de cette tension palpable sans rien apporter à la narration ou au suspense.

Avec Buried, jamais le spectateur n’aura autant eu envie de se laisser enterrer vivant. Le film constitue une excellente surprise, un expérience aussi éprouvante qu’originale

Emmanuel Pujol
 

 le 11 Mai 2014 par CélineA30