Titre VO : Rundskop
Un film de Michael R. Roskam avec Matthias Schoenaerts , Jeroen Perceval , Tibo Vandenborre , Frank Lammers , Sam Louwyck
Genre : Drame - Durée : 2h09 - Année de production : 2011
Date de sortie cinéma : 22 Février 2012
Distributeur :
Jacky est issu d'une importante famille d'agriculteurs et d'engraisseurs du sud du Limbourg. A 33 ans, il apparaît comme un être renfermé et imprévisible, parfois violent... Grâce à sa collaboration avec un vétérinaire corrompu, Jacky s'est forgé une belle place dans le milieu de la mafia des hormones. Alors qu'il est en passe de conclure un marché exclusif avec le plus puissant des trafiquants d'hormones de Flandre occidentale, un agent fédéral est assassiné. C'est le branle-bas de combat parmi les policiers. Les choses se compliquent pour Jacky et tandis que l'étau se resserre autour de lui, tout son passé, et ses lourds secrets, ressurgissent...
Ce qui est frappant à la vision de Bullhead, premier film du belge Michael R. Roskam, ce sont ses similitudes avec le cinéma de Nicolas Winding Refn.
La transformation physique de Matthias Schoenaerts, déjà vu dans Black Book ou La Meute, pour le rôle (27 kilos quand même) et la brutalité tourmentée du personnage rappelle Bronson, la lenteur et certains paysages embrumés de Flandres évoquent Valhalla Rising, et l’histoire en elle même, croisement de plusieurs personnages pris dans les mailles du trafic d’hormones belge, avec trauma d’enfance du héros, aurait très bien pu faire un spin-of du plat pays de Pusher.
Cela étant dit, Bullhead est loin de constituer une copie servile, au mieux bien réalisée, des films cités au-dessus. On sait depuis pas mal de temps que la Belgique, non contente de trôner sans partage sur le royaume de la bande-dessinée, est un vivier cinématographique incroyable ne générant que très peu de déchets, et prompt à imprimer à n’importe quel type de film son ambiance et son style si particulier. C’est encore le cas ici, et à la brillante et sobre réalisation « refnienne », Roskam applique un humour typiquement belge, noir et absurde, ainsi qu’une étude en profondeur du fonctionnement de son pays (notamment dans un beau contraste flamands/wallons, et une peinture de la vie rurale glauque mais réaliste).
À cette tonalité sombre et dure s’opposent donc certaines situations, certains personnages plus légers, comme ces deux garagistes wallons et gaffeurs se retrouvant malgré eux dans la fosse aux lions flamande. Dit comme ça, de but en blanc, cela peut sembler étrange de retrouver des Abott et Costello au milieu d’un Pusher belge, mais le réalisateur connaît assez son boulot pour en faire des respirations dans l’ambiance lourde de son film, et pas des fautes de goût. À ce titre là , il est très rare que les pointes d’humour du métrage tombent à plat (même si la scène du « coup de téléphone sur le trône » devrait faire hausser bien des sourcils – avec faux raccord en prime).
En plus de cette maitrise technique d’autant plus impressionnante que c’est un premier film, Bullhead propose aussi un scénario ambitieux même si parfois à la limite de l’alambiqué (ou cette sensation de faire compliqué juste pour le plaisir). Le scénario est complexe, touffu, multipliant les personnages, les pistes, les chassés croisés et les révélations. Roskam utilise son intrigue principale pour mieux parler de ses personnages et du trauma initial de son héros. La conséquence directe de ce choix de mêler polar poisseux et drame psychologique, c’est l’impression que Roskam a eu parfois du mal à choisir entre ces deux directions : pendant tout la première partie du film, on délaisse progressivement l’imbroglio mafieux pour se concentrer sur les flashes-back, revenant sur l’événement qui a poussé Jacky (Matthias Schoenaerts donc) à devenir la masse imposante et la brute épaisse à la sensibilité à fleur de peau qu’il est à présent. Une fois la problématique posée, on pourrait continuer à suivre ce traumatisme qui refait surface, en prenant le scénario principal pour un prétexte, seulement ces deux intrigues se croisent et s’entrecroisent, s’imbriquent l’une dans l’autre, et sont tellement liées que la partie mafieuse (trop chaotique par moment) finit par parasiter la partie introspective. Heureusement, Roskam sait gérer le rythme de son film très intense qui baigne dans une atmosphère pesante et intrinsèquement malsaine pour s’achever sur une scène d’une maitrise formelle dingue et d’une puissance émotionnelle rare.
Côté interprétation, petit bémol dans l’interprétation inégale des rôles principaux. Si Schoenaerts en bête massive et fragile impressionne de charisme et de violence contenue (et il fait très bien la Bull Head, la « Tête de taureau »), son camarade Jeroen Perceval , sbire veule au physique de Jean-Claude Dusse, paraît un peu transparent, quand il ne se met pas à en faire clairement trop. Pas forcément très dommageable, seulement très visible au milieu du jeu très naturel du reste du casting.
BullHead est donc un premier film sacrément réussi. Plastiquement sobre et maitrisé (et en ces temps où la tendance est de considérer tout ce qui n’est pas une démonstration technique comme un téléfilm, c’est appréciable), intense, glauque mais qui sait se ménager des respirations plus comiques, Bullhead est la confirmation qu’il se passe décidément quelque chose de très intéressant niveau cinéma chez nos voisins du plat pays. Et une tête de bœuf sauce hormones, une…
Corvis et Emmanuel Pujol
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