Titre VO : Balada Triste De Trompeta
Un film de Alex de la Iglesia avec Carlos Areces , Antonio de la Torre , Sancho Gracia , Juan Luis Galiardo , Enrique Villen
Genre : Drame - Durée : 1h47 - Année de production : 2010
Date de sortie cinéma : 22 Juin 2011
Distributeur :
Dans l'enceinte d'un cirque, les singes crient sauvagement dans leur cage tandis qu'à l'extérieur, les hommes s'entretuent sur la piste d'un tout autre cirque : la guerre civile espagnole. Recruté de force par l'armée républicaine, le clown Auguste se retrouve, dans son costume de scène, au milieu d'une bataille où il finira par perpétrer un massacre à coup de machette au sein du camp national.Quelques années plus tard, sous la dictature de Franco, Javier, le fils du clown milicien, se trouve du travail en tant que clown triste dans un cirque où il va rencontrer un invraisemblable panel de personnages marginaux, comme l'homme canon, le dompteur d'éléphants, un couple en crise, dresseurs de chiens mais surtout un autre clown : un clown brutal, rongé par la haine et le désespoir, Sergio.Les deux clowns vont alors s'affronter sans limite pour l'amour d'une acrobate, la plus belle et la plus cruelle femme du cirque : Natalia.
J’ai bien connu une jeune femme qui avait peur des clowns, sans doute traumatisée dans sa jeunesse par celui du roman Ca de Stephen King. Je ne saurais que trop lui conseiller d’éviter le nouvel opus du plus barré des réalisateurs espagnols, Alex de la Iglesia, qui ne risque pas de la réconcilier avec la profession. En effet, trois ans après une escapade anglaise assez fade pour un film de commande du côté d’Oxford, l’ibérique et hystérique Alex revient dans son pays pour une évocation politique furieuse de la Guerre d’Espagne sous forme d’affrontement homérique entre deux clowns, un Auguste ultra-violent (Antonio de la Torre) et un clown blanc timide et complexé (Carlos Areces), pour les beaux yeux (et le corps sculptural) d’une trapéziste envoutante (Carolina Bang)…
Conte cruel sur le désir, la jalousie et la mort, le film se double d’une métaphore historique où les clowns seraient les franquistes et les républicains, prêt à tout, et surtout aux pires exactions, pour conquérir l’Espagne, un pays encore profondément marqué par les cicatrices d’une guerre civile meurtrière. Et l’univers très codifié du cirque, un mélange de merveilleux et de monstrueux, de fascinant et d’inquiétant, se prête parfaitement à cette fable barbare à la violence décomplexée et grotesque. Convoquant aussi bien le souvenir du Freaks de Tod Browning pour ses personnages difformes que La Strada de Federico Fellini pour son ménage à trois au cœur de la ménagerie, Alex de la Iglesia multiplie les références les plus diverses et mélange à outrance les genres, passant en un clin d’œil de la comédie romantique au film gore en passant par le thriller et la tragédie la plus noire.
Totalement foutraque et sacrément ambitieux, ce Balada Triste se balance dangereusement sur son fil narratif – virtuosité technique de chaque instant malgré le chaos ambiant mais ellipses temporels osées pour ne pas dire ratées - parvenant à maintenir tant bien que mal un certain équilibre grâce à une générosité sans faille dans sa démesure perpétuelle. Jamais Alex de la Iglesia n’avait été à ce point jusqu’au-boutiste et sans concessions dans son cinéma, ne s’interdisant aucune outrance, aucun excès. Bouillonnant d’idées, laissant éclater un humour noir comme catharsis d’un drame d’un pessimisme profond, le réalisateur ne fait aucune concession au risque de perdre certains spectateurs en route. Mais qu’importe, d’un prologue qui donne immédiatement le ton à un dénouement aussi tragique qu’absurde et au nihilisme sans fond (il faut souligner que le final dantesque est enlaidi par des effets numériques assez cheap), Alex de la Iglesia assène une gigantesque claque anar, visuelle et scénaristique, comme on n’en voit que trop peu dans les salles obscures.
Le film laisse pantois, complètement KO dans son fauteuil et pendant que le générique défile, le spectateur se remet doucement de ses émotions avec le sentiment d'avoir assisté à un spectacle rare, jouissif et brutal. Bercée par la trompette du chanteur Raphael (l’espagnol, pas le français), cette balade triste est aussi inclassable qu’incontournable.
Emmanuel Pujol
Â
Balada Triste est un film qui méritait une bien meilleure visibilité à sa sortie ! Original, dérangeant, enfin du cinéma intéressant et non pas simplement divertissant.
Fan de Cinéma est enregistré à la C.N.I.L. sous le n° 1143859 - Copyright © 2005-2023 LS Project Tous droits réservés. Scruteweb - community management. Voyance sérieuse .