8th Wonderland

8th Wonderland, démocratie fictive, film virtuel

3 ans, une éternité à l'échelle des média omniscients et planétaires voraces d'actualités instantanées et hautement périssables et à l'heure de la génération Facebook et Twitter. 3 longues années, c'est pourtant ce qui sépare le tournage de 8th Wonderland de sa sortie en salle, ce 12 mai 2010. Et que dire du site Internet (http://www.8thwonderland.com/) très intrigant et à même de créer un buzz non négligeable autour du film mais lancé bien trop tôt - 20 mois avant que le film soit enfin distribué après plusieurs reports (c'est bien simple, j'ai vu le film en projection presse début décembre !).

Pourquoi toutes ces précisions ? Car 8th Wonderland, projet improbable de deux français totalement inconnus au four et au moulin (Nicolas Alberny et Jean Mach signent la réalisation, le scénario, le montage et même la musique), entend interroger son spectateur sur nos démocraties modernes, sur la virtualité croissante de nos vies via une communauté on-line, cette fameuse " 8ème merveille " regroupant a priori des citoyens responsables et concernés (voire consternés) par l'état du monde. Fonctionnant sur un principe de cooptation, cette bande de doux rêveurs entend peser sur les décisions politiques mondiales grâce à des actions ciblées et bien réelles décidées par votes - la fameuse démocratie participative présentée comme un idéal utopiste qui atteindra bien vite ses limites, l'homme restant ce qu'il est, un prédateur avide de pouvoir incapable de ne pas saborder même les plus nobles de ses idées. Le début du film fonctionne parfaitement et intrigue par son choix radical de mise en scène, alternant discussion par webcams des différents " héros " et faux extraits de JT relayant les exploits de ce mystérieux groupuscule. Le spectateur suit avec intérêt et curiosité les actions de ces preux et blancs chevaliers du monde moderne.

Evidemment, et pour mieux démonter l'utopie d'une telle organisation, des dissensions au sein de l'organisation secrète vont voir le jour lorsque d'imprudents activistes seront filmés avec un t-shirt floqué 8th Wonderland lors d'un happening au Vatican. Manipulations, récupération médiatique (avec un clin d'œil appuyé à Die Hard), dérive terroriste, le film s'emballe et les réalisateurs perdent le fil entre saynètes répétitives, personnages qui ne transcendent jamais leurs archétypes initiaux, mise en scène artificielle, systématique et redondante et ficelles scénaristiques manquant totalement de crédibilité - notamment un G8 extraordinaire où tous les hommes politiques parleraient soudainement anglais sans passer par leurs interprètes. Jean Mach et Nicolas Alberny n'ont clairement et malheureusement pas les moyens de leurs ambitions et à brasser trop de sujets - certes passionnants et méritant tous débat - de façon superficielle, ils ratent l'essentiel, cette critique lucide mais caustique de nos sociétés contemporaines qui arrive sans doute … 3 ans trop tard, un comble pour cet OFNI* !

Emmanuel Pujol

* Acronyme mystérieux certes mais qui ne devrait pas avoir besoin de traduction pour les fidèles lecteurs de ce blog et pour les plus cinéphages d'entre vous !